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René Bazin, Le mariage de mademoiselle Gimel, dactylographe


 [...] 
Il était exactement trois heures quarante-cinq, quand le bruit d’une musique militaire s’engouffra dans la salle où travaillaient les dactylographes. Mademoiselle Raymonde se leva la première, esquissa un pas de galop, en secouant sa jupe, et dit :
— J’y vais ! je ne manque jamais d’aller les voir !
Mademoiselle Marthe dit :
— Je n’aime pas leur métier, mais j’y vais tout de même.
Evelyne hésita un moment, et suivit ses camarades. Les trois jeunes filles coururent jusqu’au fond du couloir, à gauche, et se penchèrent sur l’appui de la fenêtre. Un régiment passait, remontant le boulevard Malesherbes, tous les cuivres sonnant. Première compagnie ; deuxième compagnie, les hommes marchaient vite, troisième compagnie : un officier placé en serre-file, et qui a l’allure nerveuse d’un alpin, un grand, à mâchoire carrée, la moustache courte et la joue plate, un jeune, qui regarde, comme l’ordonne la théorie, à vingt pas en avant, arrivé à la hauteur de la banque Maclarey, tourne la tête, aperçoit les trois jeunes filles à la fenêtre, salue de l’épée, et continue sa route. Le geste a été prompt ; mais on l’a vu.
— Eh bien ! ma chère, c’est vous qu’il a saluée ?
— Mais non, c’est vous.
— C’est vous !
Un fou rire de Raymonde et de Marthe. La fenêtre est fermée. Qu’importe la fin du défilé ? On revient dans la salle des copistes. Mademoiselle Raymonde n’a pas de peine à deviner l’émotion d’Evelyne. Elle a surpris, au moment même où l’officier saluait, un geste de recul involontaire de sa voisine. Étonnement ? protestation ? colère ? Preuve, en tout cas, et aveu. [...]

Suivi de quatre courts récits, ce délicieux roman nous plonge dans le Paris des années 1907.

Ref. A096  248 pages 14x20 cm 

18 € port offert